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Photo du rédacteurCaroline Côté

Nunavut, Une expédition dans un paradis glacé.




Mittimatalik est un village situé au cœur de l’Arctique canadien, bien blotti entre des vallons et des montagnes fabuleuses. Il est niché sur le rebord du magnifique détroit Tasiujuaq (Eclipse Sound). Et quand on plonge inévitablement notre regard sur l’horizon on y découvre l’île merveilleuse de Bylot et son parc national Simirlik, un sanctuaire de protection d’oiseaux et les aires de nidification du guillemot de Brünnich, de la mouette tridactyle et de la grande oie des neiges.


J’ai rencontré l’explorateur polaire Vincent Colliard il y a déjà 3 ans et depuis nous sommes devenu partenaires d’expédition ainsi que partenaires de vie. En couple, nous aimons affronter des situations qui nous semblent inconfortables dans un contexte d’aventure dans le but de grandir ensemble. Mariés depuis seulement quelques mois, on trouve notre bonheur dans l’instant présent. Partir avec le moins de matériel possible et quitter pour un long moment fait beaucoup du sens pour notre duo.



Photo Julien Bourque

Notre désir de tracer le contour de cette île à ski est né du désir de nos passions réunies. Vincent était à la base passé tout près de ce lieu en 2010 lors de l’expédition sur le trimaran Northern Passage menée par l'explorateur norvégien Børge Ousland, où les équipiers avaient réussi à boucler un tour du pôle nord en un été.


J’avais pour ma part entendu parler de cet endroit dans les récits d’explorations de Roald Amundsen, un explorateur norvégien, qui en 1903 se dirige en direction de l’Arctique pour tenter de découvrir une route à travers la banquise sur le Gjøa, un petit navire spécialisé dans la pêche à la morue. Il deviendra le premier à franchir le passage du Nord-Ouest. Il passe donc près de la côte dans le célèbre détroit de Lancaster sur le côté nord de l’archipel de Bylot.


C’est un endroit passionnant parce qu’on y trouve aussi un nombre impressionnant de renards arctiques, de phoques annelés, de narvals et aussi d’ours polaire.


Au départ de la ville on se sentait rempli d’une forte énergie, d’une excitation particulière. La période de préparation nous avait pris une bonne semaine et mettre les skis sur la neige nous permettait enfin de regarder en arrière en pouvant oublier à quel point se déplacer dans le nord du Nunavut avec tout notre équipement n’avait pas été de tout repos.



Photo Julien Bourque

Les jeunes chiens libres appartenant aux mushers de Pond Inlet se rassemblent devant nous en nous lançant un regard perplexe de nous voir nous élancer sur le détroit qui nous mènera plus tard directement dans la mer gelée de Baffin.


J’ai l’impression de faire partie de la meute et d’être aussi heureuse et bien que ces quadrupèdes sans laisse. Soudain je ne me sens pas retenue ni prise par mon quotidien parfois étouffant de la ville, je sens que nous allons vivre quelques péripéties qui modifieront le courant de notre vie. Sans attache et en étant complices, nous entamons maintenant nos premiers kilomètres sur le terrain. Je sens que Vincent revit, la glace est son élément.


Nous n’effectuons pas de grande distance dans les premiers jours qui nous rappellent rapidement les douleurs du corps qui surviennent en tirant la charge de notre traîneau. Ampoules aux talons, épaules fatiguées, tensions aux genoux; la chanson répétitive des premiers jours d’expédition. On doit commencer avec un rythme lent et régulier. J’aborde tous ces petits maux d’une manière positive, parce que je comprends que la douleur du corps est un repère qui me permet toujours de ne pas partir trop longtemps en nature. Affamée ou morte de fatigue, je dois revenir à la maison pour pouvoir repartir, mais j’aime repousser de plus en plus cette limite et quitter pour des jours, des semaines, et des mois sans ravitaillements. L’appel du confort des milieux urbains m'appelle parfois. Il est bon d’entrer après une longue aventure dans un endroit où tout semble luxueux quand notre maison n'est qu'une petite tente posée sur la neige.


En traçant environ 25 km par jour, on progresse sur un terrain plat au départ qui, tranquillement en contournant l'île sur la côte Est, devient progressivement un labyrinthe de structures glacées impressionnantes. Le décor me surprend, c’est ma première expérience sur cette banquise, bien différente de celle entourant le Svalbard, sur laquelle je suis passée l’an dernier. J’essaie de comprendre, les fractures de glace rapetissent et grossissent selon le vent, les marées, les courants. Elles sont épatantes. Mais je ne les comprends pas. Cela ne fait aucun sens, on ne peut pas calculer comment la glace de l’Arctique se compose et j’aime beaucoup me retrouver dans un environnement compliqué, un labyrinthe glacé.


Photo Vincent Colliard

J’apprends à reconnaître où recueillir la glace qui me servira à faire bouillir mes repas lyophilisés. Si je la récupère à certains endroits, celle-ci a un goût prononcé de sel de mer. À d’autres endroits, elle est remplie de particules sableuses. Je la fais fondre dans la casserole et cela me prend parfois jusqu’à une heure pour préparer celle-ci et la mettre dans de gros thermos prêts pour la journée suivante. J’entretiens une relation de confiance avec le réchaud que je traite avec soin dans le but de le conserver en parfait état jusqu’à notre retour en ville à la fin de l’aventure. Une rigueur doit être appliquée dans chaque détail lorsque l’on part dans une expédition polaire. De l’équipement brisé peut nous apporter beaucoup de problématiques qui peuvent parfois sembler anodines, mais qui peuvent devenir majeures lorsque l’on se trouve éloignés sans moyen de communication avec le monde extérieur. C’est pourquoi j’apporte avec moi seulement le matériel et les vêtements les plus résistants, ceux qui ne me laisseront pas tomber.


En avançant avec une bonne moyenne chaque jour, les kilomètres défilent et sur notre passage nous croisons quelques centaines de traces d’ours blancs et nous faisons la rencontre avec l’animal qu’une seule fois lors d’une soirée ensoleillée où un de ceux-ci traçait sa route près de la tente, probablement dans le but d’aller se nourrir près des eaux libres de glaces à quelques kilomètres de là. La rencontre a été d’une grande puissance et significative. Quand on a la chance de regarder les yeux d’un ours en liberté sur son territoire pendant quelques secondes, on peut facilement en ressentir toute sa splendeur et sa puissance. C’est un moment unique.




Le parcours a charmé nos esprits, mais celui-ci a aussi pris beaucoup de notre énergie. Les déplacements sur le terrain étaient complexes. Lors de cette expédition polaire on a touché du doigt l’essence même de l’aventure. La sensation que l’exploration était à son plus haut degré, à tout moment.


J’ai accepté au fil des kilomètres qu’il était possible de développer un appétit de l’inconfort, une sorte de désir d’aller voir au bout de soi-même ce qui s’y cache. Je crois qu’il y a une certaine puissance dans l’inconfort qui est reliée à notre désir de sortir de la zone de ce que nous connaissons et maîtrisons afin d’apprendre, afin d’évoluer et de devenir meilleur. La vie de tous les jours est un grand territoire vaste d’apprentissage.



Quelques trucs pour réussir une expédition hivernale


  • Prendre un grand nombre de jours pour la préparation avant le départ

  • Étudier le terrain et les cartes

  • Avoir tester son matériel en avance, surtout les essentiels comme le sac de couchage, la tente, le réchaud

  • Avoir déjà fait des expéditions de courte durée avec ses partenaires

  • Apporter un kit de réparation

  • Apporter un kit de pharmacie complet

  • Laisser connaître son itinéraire à une équipe en ville

  • Avoir de bons moyens de communication: Balise de détresse, Téléphone satellite

  • Apporter plus de nourriture au cas où la météo se compliquerait et que le nombre de jours prévus en tente serait dépassé

  • Prévoir des vêtements supplémentaire au cas oú les conditions météorologiques seraient plus froides ou venteuses que prévues

  • Apporter un petit calepin pour noter

  • Ne pas porter de coton qui reste longtemps mouillé, mais plutôt opter pour la laine mérino qui dégage peu d’odeurs et sèche rapidement


Et surtout ne laisser aucun déchet sur le terrain visité!


Matériel utilisé par Caroline :




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